Anawega et Ulinoï allèrent derrière le camp
Elle plongea dans la rivière
L’eau était froide et vivifiante
Elle s’allongea sur les galets et la laissa couler de sa tête vers ses pieds
Un peu de sang s’échappa de son urètre
Elle ressentit qu’une grande angoisse partait avec les eaux
Et que son corps devenait fluide et souple comme un roseau
Et elle remercia la déesse des eaux de la terre de l’avoir purifiée
Ulinoï l’aida à remettre son dessous
Puis elle revêtit la robe
Puis elles allèrent rejoindre la tribu vers le feu
Anata la frotta avec des herbes odorantes
En même temps qu’elle ravivait le feu qui chauffait les pierres
Les hommes étaient déjà dans leur hutte
Anata parlait
Voici la lune d’automne dans sa plénitude
Heureuse celle qui à l’âge mûr n’a pas perdu le feu de sa jeunesse
Heureuse celle qui effectue le rite de passage de chaque journée
Et qui grandit en préservant son innocence
Et recommence chaque jour à remettre à l’ouvrage sa prétendue sagesse
Qui a bien pu lui servir la veille mais qui sait de quoi demain sera fait
Heureuse donc celle qui renaît chaque jour à la vie
Heureuse celle qui réaccomplit sa naissance
Heureuse celle qui vit dans la jouissance de l’instant présent en gardant les mains ouvertes
Pour recevoir, pour offrir, mais pour ne rien garder
Le temps est comme le sable
L’argent est comme le sable
Rien ne sert de tenter de le retenir
Vient avec l’automne le temps du repos
Le temps de la sagesse
Le temps d’apprendre
Puisse chaque jour aussi accomplir ces nouvelles connaissances
Ainsi la connaissance d’Anawega qui est venue à nous
Et qui partagera notre hutte et notre célébration
Et qui apprendra aussi au passage quelques histoires
Ainsi notre connaissance partagée avec Anawega
Et dont Ulinoï se fera l’écho à travers notre langue
Allons
Les pierres sont brûlantes
Entrons dans la hutte
Anata tint ouverte la peau de la hutte
Chaque femme entra
Puis entra Ulinoï
Puis entra Anawega
Et Anata alla chercher les premières pierres
Et versa dessus l’eau froide du torrent
Alors les vapeurs montèrent
Il y avaient quelques herbes ajoutées à l’eau
Un parfum de sauge flottait
Et la chaleur commençait à monter
Anawega sentit sa peau ruisseler de sueur
Et dans la promiscuité des ces corps de femme
Elle se sentit descendre
Elle se sentit fondre
Elle se sentit couler
L’odeur des corps était présente également
Chaque corps avait sa propre odeur dont le parfum s’épanouissait avec les vapeurs et la chaleur
Anawega sentait sa sève couler se son sexe
Et sentait les sèves de ces femmes qui coulaient également
Les sèves de tout le corps
Et alors c’était cela la célébration de la sororité
Les enfants se pressaient contre leurs corps et contre la terre
Et maintenant entrons par la seconde porte
Ulinoï alla chercher les pierres
Anata les arrosa
Aô disaient les participantes à l’arrosage des pierres
Pour remercier
La chaleur augmenta encore
Il y avait neuf portes ce soir là
Pour cette neuvième lune
Et alors Anata prit la parole
La première porte s’est déroulée dans le silence
Et maintenant je commence à parler
Le monde a t-il un début
Et le monde a-t’il une fin
Notre mère la terre est passée par bien des mues
Elle a déjà inversé ses polarités à plusieurs reprises
Il y a eu des purifications par la glace
Il y a eu des purifications par le feu
Il y a eu des purifications par l’eau
Et l’humanité a souffert de ses propres maux
Car ce ne sont pas les maux de la terre qui sont en jeu alors
Mais bien les maux de l’humanité
La terre s’est toujours remise
Et les sages qui entendent le grand mystère et tiennent conseil
Ont su communiquer et s’entraider pour survivre grâce à la solidarité
Beaucoup ont péri
Par les armes
Par la guerre
Par le feu du fusil et du canon
Notre peuple a souffert
Mais notre peuple est vivant
Et notre peuple est fier
Et les larmes d’apache servent à nous rappeler que certains ont péri sans combattre
Et cela ne doit plus jamais se reproduire
Et nous laverons les affronts sans baisser la tête
Et au péril de nos vies
J’ai dit car la guerre peut revenir
Et aussi je voudrais rendre grâce aux hommes qui nous protègent, nous et nos enfants
Nous les femmes sommes la valeur de nos hommes
Que nous leur accordions nos faveurs ou non, ils nous défendent
Car ils savent que nous sommes gardiennes des arts
Et maintenant entrons par la troisième porte