Anawega - Feuillets Art scriptural

Anawega – Feuillet quinze

Bonjour Anawega tu m’emmènes à la pêche
Comment m’as-tu appelée dit-elle comme au sortir d’un rêve
Anawega tel est ton nom dis tu m’emmènes à la pêche
Je ne penses pas que ce soit le jour Betty
Ah bon tu ne penses pas
Pourtant moi je te le dis
C’est le jour
Le grand jour pour aller à la pêche avec Anawega
Tes parents savent que tu es venue ici
Ils me l’interdiraient
Mais qu’importe puisque j’ai décidée de venir moi
Et s’ils l’apprennent
Je m’en fiche
Viens
Alors elle alla chercher sa canne
Et elles partirent
Sur le chemin elles parlèrent
Ainsi tout le monde sait mais comment ont-ils appris
C’est le révérend père qui l’a annoncé
Comment
Il a raconté son rêve à quelques paroissiens
Lors du service du soir
Ainsi c’est bien vrai que tu es une femme Kawaï
Oui c’est vrai Betty
Cela ne te choque pas toi
Non parce que tu es belle comme un femme
Et parce que tu es douce et attentionnée comme une femme
Et que ton corps d’homme semblait en attente de devenir celui d’une femme
Je t’ai bien observé tu sais à la pêche
Et quand tu marches on croirait que tu danses
C’est sans doute pour cela que les villageois se sont toujours méfié de toi
Et parce que tu vis seul
Mais depuis que je te connais je n’ai pas peur de toi
Et même que je t’aime bien
Et même qu’il y a quelque chose de spécial entre nous
Tu es comme un enseignant des choses de la vie
Tu m’apprends des choses plus importantes que l’école
Mais c’est vrai l’école
Tu n’es donc pas à l’école
Le maître a fermé la classe
Il est allé trouver le révérend père
Je ne sais pas si il est capable de comprendre ce genre de choses
Et elles rirent
Personne ne comprend rien au village
Ils disent que c’est de la faute aux Kawaïs et à leurs herbes
Le révérend père leur a dit qu’ils ne trouveraient dans leur calumet
Que de la sauge du foin d’odeur de l’écorce de cornouiller et de la menthe
Les gens croient qu’ils t’ont droguée
Et qu’ils veulent par toi tourner le village en ridicule
Ils ont dit qu’il fallait t’exclure de tes terres
Mais le juge a dit que tu avais les titres de propriété
Ils ne savent pas quoi faire
Ils tournent en rond comme des mouches dans un bocal
Et elles rirent
Arrivée au torrent, Anawega pêcha trois fameuses truites
Betty pendant ce temps avait fait un beau bouquet de fleurs des champs
Que penses-tu d’aller les manger avec John Rose-Marie et leurs enfants
Oh oui encore des personnes qu’il m’est interdit de fréquenter
Et elles prirent le sentier à travers les bois
Elles s’arrêtèrent après quelques pas
Les oiseaux pépiaient dans la lumière du soir
Et Betty versa une larme
Merci Anawega
Merci Betty
Et elles cheminèrent en silence
En observant le jeu des ombres
Et la lumière décroître
Dans des rouges sanguines
Qui donnaient à la forêt une allure d’incendie
C’est beau dit Betty
Oui la forêt s’embrase
Je suis content que tu m’emmènes à la rencontre de John et Rose-Marie
Je vois leur famille le dimanche au temple
Mais peu de gens les connaissent
Je sais qu’il y a eu la guerre de sécession
Mais les esprits des gens évoluent lentement
Quand quelqu’ un s’adresse à eux c’est à John qu’il parle
Pour lui demander un travail
Leurs enfants sont sérieux
Ils jouent le rôle qui leur a été attribué tu sais
Oui et toi tu ne joues pas le rôle qui t’a été attribué
Cela dépend de qui attribue les rôles
J’ai l’impression que tu les redistribue
Et dans redistribue il y a tribu
Et elles partirent d’un grand fou rire
Oui et dans tribu il y a tribunal
Elles riaient follement
Je te trouve triviale Betty
Je vous trouve bien légère madame la plume
Et elles arrivèrent à l’orée du bois devant la maison de John
Qui entendant les rires sortit sur le seuil
Anawega bonsoir tu viens nous rendre visite
Oui et j’ai là trois belles truites
Et une petite insolente qui ne veut pas entendre raison
Bonsoir Betty dit John
Mais il est tard tes parents ne vont pas s’inquiéter
Ils sont bien trop occupés par les cancans
Le village parle
Le village ne sait faire que parler
Ne vous inquiétez pas de mes parents John j’ai sept ans et je suis responsable
Je n’ai pas l’âge de raison pour rien
Alors accueillez-moi et laissez-moi faire mes bêtises sagement
Et prenez ces fleurs pour orner la table
Je la raccompagnerai chez elle dit Anawega
Soyez les bienvenus les enfants vont être contents
Edith Lily Sam vous avez de la visite
Andrew et Son venez voir qui est là
Les filles sortirent les premières
Elles firent des yeux ronds comme des billes
Puis de larges sourires
Bonsoir Betty
Betty embrassa Lily qui rougissait
Edith intimidée
Et Sam qui riait
Venez, allons faire des bêtises aux dernières lueurs du jour
Et elles partirent en direction de la grange
Andrew et Son étaient sur le seuil
Andrew balbutia bonsoir Betty
Et Betty revint sur ses pas pour l’embrasser
Oh pardon Andrew
Et bonsoir Son
Elle lui fit un bisou
Alors tu viens Betty dit Edith
J’arrive
Pourquoi les filles sont comme ça demanda Andrew
Comme quoi demanda John
Eh bien aussi folles que des belettes
Mais parce qu’elles sont des belettes fit John amusé
Andrew sourit
Rose-Marie arriva
Oh bonsoir Anawega tu viens nous rendre visite
Et oui en définitive Betty m’a emmenée à la pêche
Et j’ai là trois belles truites pour le repas que nous allons préparer
Bonne idée et pendant ce temps je vais vous servir un verre
J’ai un petit rhum arrangé dont Rose-Marie raffole
Il est à la mangue
Tu en prendra bien un verre Anawega
Volontiers oui
Il vient des Caraïbes
J’aimerais connaître ces terres
J’y suis allé après la guerre de sécession
Partager l’histoire
Il reste des esclaves là-bas
Mais beaucoup ont été affranchis
C’est l’exemple qui rend justice
Rose-Marie et Anawega firent les truites au citron
Et le riz à la crème et au Safran
John racontait les Antilles
Les parties de pêche en mer
Le sable noir et la mer bleue turquoise
Andrew était allé avec John
Il parlait des épices du poisson Rougaï
Et des volcans qui donnaient au sable la couleur noire
Ils se rassemblèrent tous pour manger

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