Art scriptural Atelier d'écriture Bachelard Deux Mil Vingt et Un

Mais qu’est-ce que ça signifie ?

Le bonheur, pour toi, qu’est-ce que c’est ? / Que c’est bon de respirer l’air pur de la forêt / Je me demandais bien quelle était la signification de tout ça / Aujourd’hui il fait beau / Je m’étais égaré dans le bois, et j’ai rencontré la hutte de la sorcière

Le bonheur, pour toi, qu’est-ce que c’est ? Est-ce que c’est la fortune, est-ce que c’est le printemps, est-ce que c’est l’aventure, est-ce que c’est le voyage en des contrées lointaines, est-ce que c’est puiser l’eau à la source de ton jardin, est-ce que c’est l’amour dans les yeux de ta belle, est-ce que c’est vagabonder en des zones inconnues, est-ce que c’est manger une tartine de beurre salé et de confiture trempé dans du lait frais, est-ce que c’est boire une pinte à la petite taverne, est-ce que c’est apprendre une langue étrangère, est-ce que c’est lire tard dans la nuit au chevet de la lune, est-ce que c’est compter les étoiles par une nuit du quinze août, est-ce que c’est brûler un cierge et prier, est-ce que c’est jurer et cracher, est-ce que c’est l’oubli, est-ce que c’est la mémoire, est-ce que c’est déchiffrer une énigme, est-ce que c’est prendre la mesure de l’infini, est-ce que c’est contempler le mystère, est-ce que c’est la réponse, est-ce que c’est la question ?

Que c’est bon de respirer l’air pur de la forêt, par un matin d’automne, en chassant les champignons, avec ce parfum d’humus et de feuilles mortes, quand la terre reprend en elle les énergies qui s’étaient élancées vers les cieux, quand elle nous accueille, nous et nos blessures, pour le repos, pour laisser aller les énergies, les bonnes comme les mauvaises, c’est se recueillir, c’est se rassembler, c’est bénir la terre de ses pleurs.

Je me demandais bien quelle était la signification de tout ça. S’agit-il d’être, envers et contre tout, heureux ? S’agit-il d’aller bon an mal an, couçi-couça, grosso modo, de faire contre mauvaise fortune bon cœur, d’aller au p’tit bonheur la chance, pourquoi est-ce que je n’ai pas le droit de tout envoyer valser, de cogner du poing sur la table, d’exiger mon dû, ma redevance, ne suis-je pas la victime d’une destinée fatale qui m’a mené par les aléas de la vie vers un cul-de-sac ? Un jour je leur dirai leurs quatre vérités en face, à tous ces empaffés qui prétendent me dire que dire et que faire, comment m’y prendre, quelle est la méthode que je n’ai pas su employer pour être heureux.

Aujourd’hui il fait beau. Je pense que cela me suffit. Je n’ai pas besoin de davantage. Un brin de soleil, un brin de vent, le pépiement des oiseaux, le chien qui aboie, la vache qui meugle, le chat qui miaule, le loup, le renard et la belette qui dansent dans la clairière, et ce soir c’est nuit de Sabbat.

Je m’étais égaré dans le bois, et j’ai rencontré la hutte de la sorcière. Alors j’ai toqué à la port, et j’ai entendu une vieille voix chevrotante me demander : « Quel est le toqué qui toque ? » Ma tactique fût de me taire. J’entendais le tic-tac de l’horloge qui comptait mes secondes. Alors j’ai demandé d’une voix forte : « C’est quoi, pour vous, le bonheur ? » Elle m’a dit qu’elle avait pour cela breuvages et philtres, pour ceux qui s’illusionnent à le chercher. « Le bonheur ? Il est ici, à cet endroit précis, en ce moment précis. » J’ai poussé la porte de la hutte, elle m’a accueilli avec un grand sourire, elle était jeune, elle était belle, elle était nue et couverte de terre, et je ne l’ai plus jamais quittée.

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