– Bon, Gaston, mon gars, fais bien attention à ce que je vais te dire. Moi, je donne les consignes, et toi, tu exécutes. Tu vas monter là-haut pour changer l’ampoule de ce projecteur. Non ! Pas avec cette échelle-là, c’est celle des artistes. Tu sais ? Les funambules et autres trapézistes. Bon, emprunter l’échelle des artistes, c’est interdit. Il y a des règles ici, il faudra que tu t’y fasses. Des règles et des hiérarchies. Tu comprends hiérarchie ?
– Non.
– Eh bien, il y a des gens en haut de l’échelle et des gens en bas de l’échelle. Toi, tu es en bas de l’échelle.
– Oui, mais je vais y grimper. C’est vous qui serez en bas de l’échelle.
– Crétin des Alpes ! Je te parle d’échelle sociale. Moi, je penses, et toi tu travailles. C’est cela l’échelle sociale.
– Oui, mais c’est quand même vous qui serez en bas de l’échelle.
– Arrête de faire du mauvais esprit. En haut de l’échelle, c’est moi, c’est moi le patron, Monsieur Loyal.
– Alors c’est vous qui allez changer l’ampoule.
– Nigaud ! Tu ne comprendras jamais rien. Moi, c’est moi qui décides, et je te dis que c’est toi, c’est toi qui changes l’ampoule. Tu comprends maintenant ?
– Non.
– C’est pas grave. Va chercher cette échelle en bois là-bas. Voilà. Amène-la ici. Attention crétin, tu m’as bousculé.
– Pardon l’échelle.
– C’est moi que tu as cogné.
– Vous, c’est pas grave, mais l’échelle, j’en aie besoin.
– Ce dont tu as besoin, c’est de ça !
Il lui donne un coup de pied au cul.
– Maintenant dresse l’échelle et appuie-la sur le piler là haut. Bien. Tiens, je te donne l’ampoule, puisse-t’elle t’éclairer, t’es pas une lumière !
– Non, mais je vais éclairer votre cirque. Mais vous, qui êtes une lumière, pourquoi donc c’est pas vous qui l’éclairez ?
– Moi, je vais t’éclairer toi.
Il lui donne une tape derrière la tête.
– Et maintenant, grimpe là-haut.
– Je peux pas, j’ai le vertige.
– Je peux pas, j’ai piscine… Allez, grimpe ! Attention, c’est une vieille échelle, elle est un peu vermoulue, assure-toi qu’un barreau ne casse pas. Attention !
Il lui tombe dessus depuis le cinquième barreau
.– Ah mais quel con ! Enlève-toi de là que j’y aille. Donne-moi l’ampoule et tiens l’échelle.
– Attention aux barreaux !
– Tu vas voir, toi, les barreaux, en cabane, oui !
– Ça va tout seul là-haut ? Il ne fait pas trop froid ? Accrochez-vous à l’ampoule, j’enlève l’échelle.
– Hein ?
– Non, rien, c’était une blague, mais vous avez pas compris… Attention dans la descente, elle est toute vermoulue, cette échelle.
– Je vais t’y descendre, moi, tout en bas de l’échelle. Allez, va la ranger. Aïe !
– Pardon, l’échelle.