Art scriptural Atelier d'écriture Bachelard Deux Mil Vingt et Un

J’écoute le temps qui passe / Les mélodies oubliées / J’écris pour les analphabètes / Chacun sa route

J’écoute le temps qui passe. Il craque comme les lames d’un vieux parquet et grince comme un vieille porte. Des fois il passe un pu plus vite, comme un nuage dans le ciel. Parfois il file comme une trotteuse sur le cadran d’une montre. Parfois il se fige comme de la glace, et éclate. Parfois il s’écoule goutte à goutte. Parfois il tourne à toute allure et hurle comme un moteur de formule 1. Parfois il est complètement silencieux, et j’ai le sentiment que c’est lui qui m’écoute. Alors je lui parle. Je lui parle du temps qu’il fait, je lui parle de ce temps qui n’est plus, je lui parle de mes doutes sur les temps qui viendront. Alors il m’arrête, me dis que je suis trop bavard, et me propose d’écouter ensemble le temps présent, ce silence éternel.

J’ai dans mon crâne des vents qui circulent et qui sifflent. Ce sont des mélodies oubliées. Des mélodies liées à des mémoires perdues, des images déformées dans la galerie des glaces. J’ai du mal à reconnaître un visage. Je me demande souvent si ces visages, ces mémoires, ces mélodies sont bien les miennes, si je les aie réellement connues, si elles ne viennent pas de l’esprit d’un regard croisé, ou encore si elles ne flottent pas dans les airs à la recherche d’une cervelle à hanter. Ces mélodies qui ne sont pas les miennes appartiennent peut-être à des temps immémoriaux, aux histoires qu’on se raconte à la veillée, à des textes antiques, des mythologies, des contes pour les enfants de passage, des rédactions de souvenirs de vacances. Ce sont sans doute ces mélodies qui constituent le fondement de mon humanité, bien plus que mon identité, des noms de rechange pour les oublis de mon histoire.

J’écris pour les analphabètes. Je trace sur la feuille des symboles inconnus que nul, pas même moi, n’est capable de relire. Il s’agit peut-être d’un langage oublié, ou d’un langage inventé, du langage d’un étranger qui n’a pas de traducteur. J’écris pour ceux qui ne savent ni lire ni écrire, dans l’espoir qu’ils apprennent. Un jour peut-être un Champollion se penchera sur ces signes, et en tirera une signification qui ne sera jamais, après tout, que son interprétation. J’écris pour réinventer le langage, et j’en tire, après le travail d’écriture, des représentations nouvelles pour mon esprit, qui sinon aurait tendance à s’enliser dans la routine.

Chacun sa route. La mienne ne mène pas à Rome. Ce n’est pas non plus la route de Dijon, la belle digue digue aux cent clochers. Ce n’est pas la route de Paris, ni d’Avignon, ni de Toulouse. En vérité ma route, je ne sais pas où elle mène, mais je l’arpente par détours, par contours, par raccourcis, sans carte, sans boussole, heureux de me perdre en chemin, et de ne pas connaître la destination de ma destinée.

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