Tomber

J’ai le désir de tomber le masque de la sociétéLe masque de ma beauté païenneJ’ai ce désir de démasquer cette vérité crue de mon sexe interditJ’ai ce désir de me déshabiller pour exhiber mon dénuementJ’ai ce désir de dénuder ma peauJ’ai ce désir de transpercer mon absence en plein jourJ’ai ce désir indécent de m’immiscer dans mes intimitésPour lever le voile de la pudeur

Nomade

Un nomade égaré dans le labyrinthe des riches villes européennesQui s’est vu dépouillé de sa plus stricte identitéAu désir faillible des ces luxes surexposésAu regard vulnérable et mouillé sous la pluie de décembreInquiet dans sa misère inachevéeMais simple en son dénuementCultivant cette infime part d’humanité épargnée en son cœur blessé

L’avènement de l’individualité

Une pyramide Inca au milieu de la jungle. Milieu du XXème siècle. Dans une saison très pluvieuse.Cela faisait quinze jours qu’ils étaient là, à explorer les temples et à regarder les sculptures gravées sur les murs. Ils faisaient parfois des explorations dans la jungle autour. Les serpents, les singes, les cacatoès, se retrouvaient sur les murs des temples, et parfois venaient les habiter. Sonia et Jenny prenaient des notes sur leurs carnets. Elles faisaient partie d’un centre de recherches international d’ethnologie.– Cette pluie est celle du serpent à plumes, qui la verse abondante sur cette terre… de façon interminable.Elles étaient …

Désir

Elle était là, assise les jambes repliées devant elle, accoudée, sauvage, dans tout l’éclat de ses dix-sept ans. Il peignait les lignes de son corps, en des formes épurées et abstraites, et il avait envie de faire gicler la peinture sur la toile, il avait envie de grandes lignes rouges, vertes, bleues, jaunes, violettes, oranges, il avait envie de salir d’éclaboussures les murs blancs du salon atelier. Mais il se contenait. Il essayait de continuer à tracer les lignes noires du corps d’Isa, il essayait d’être précis, de se détendre, de respirer.– Quelque chose ne va pas, Andreï ?Cela faisait dix …

Colette

Voici venu le temps de la négresse. Voici venu le temps de l’écriture, de la falsification, de la trahison, à gros traits, à traits forcés, comme une esquisse, pour les détails on verra ça plus tard. Voici venu le temps de la danse, du music-hall, du mime, voici venu le temps des plaisirs.Mais las, comme une fleur se fane…Voici venu le temps des amours illicites, voici venu le temps de la jeunesse par procuration, voici venu le temps provocant et mûr de l’accomplissement.Voici venu le temps de se dire, de se raconter, de raconter les autres, de tout dire, et …

Une rencontre automnale

Il est 17h, ce mardi 17 novembre 1917.Il pleut depuis le début de l’après-midiEt je tourne en rond dans ma mansarde.Je prends ma capote, ma sacoche et mon chapeau,Et décide d’aller faire un tour au parc.Avant de sortir, je me fais une pipe de petit gris.Je repense à cette histoire que j’écris.Il n’y a pas de coup de théâtre et elle n’est faite que de dénouements.Mais là le nœud est trop emmêlé, l’intrigue se resserre.Je regarde les arbres du parc, les feuilles tomber avec la pluie,Lorsqu’un homme m’aborde. » – Je vous reconnais. – Je vous demande pardon ? – Vous …

Les choses humaines

Les choses humaines sont écrasantes comme un soleil d’été au zénith qui est plombé d’humidité. Les choses humaines se sont élevées au-dessus de la hiérarchie du minéral, du végétal, de l’animal. Les choses humaines se sont élaborées, complexifiées, abstractisées, conceptualisées. Les choses humaines sont de l’ordre du temps, de la vitesse, de la nanoseconde. Les choses humaines sont de l’ordre de l’espace, trente mètres carrés. Les choses humaines sont de l’ordre du volume, trois mètres cubes d’eau. Les choses humaines sont de l’ordre de l’analyse, du scrupule, du soupçon, de la distance, du calcul. Les choses humaines sont mathématiques, géométriques, …

Les mots qui guérissent

Apaise-toi, mon âme. Apaise tes tourments. Cherche en toi ce point d’équilibre, cet axe, pour reprendre un mouvement en sérénité, comme un mobile musical qui tintinnabule au gré des souffles du vent. Cherche l’inspiration au creux de toi, à l’intérieur de ton corps qui résonne de tant de sensations, de mouvements, de vibrations. Qu’importe si quand on te parle de lumière tu vois en toi un noir brillant, lumineux, car c’est ton énergie comme au cœur des étoiles la matière brûle, comme dans un feu de joie c’est le bois qui se noircit. Tu connais la loi d’entropie qui dit …

La blonde dans une voiture rouge

La blonde dans une voiture de sport rouge a crevé son pneu avant droit. Il ne passe pas grand monde sur cette route, mais par bonheur un routier s’est arrêté. Mais comme elle est aussi belle que bête, il fait traîner les choses. Voilà donc que la roue de secours ne convient pas, et il veut l’emmener chez un ami garagiste changer la roue. Elle dit qu’elle ne comprend pas pourquoi elle devrait acheter une neuve, que la roue de secours est d’origine et qu’elle devrait tout à fait convenir. Il finit par la laisser en plan et reprend son …

Écrivain latino-américain

Pour un latino-américain qui va devenir écrivain, les trois choses au monde les plus importantes sont sa mère, la tequila et le favella. Il sait que, s’il veut réussir, il doit tous trois les quitter, et ce n’est pas chose facile. Sa mère, qui est veuve, veut qu’il trouve un « vrai » métier pour nourrir la famille. Il a donc trouvé un métier de serveur dans un bar de nuit où il y a de la musique et des danseuses. Depuis qu’il rapporte de l’argent à sa mère toutes les semaines, elle le laisse un peu tranquille. Donc la mère, avec …

Je vous ai rapporté ça d’un pays lointain

Bonjour cher Franck. Cela fait maintenant bien longtemps que nous ne nous sommes pas revus. Nos chemins se sont séparés alors que nous étions adolescents. J’ai eu vent de vous parfois, et c’était comme la traversée du désert, ce vent soulevait les sables et je craignais souvent la tempête. Je buvais le soir le thé en pensant à vous, et je disais aux Touaregs de vous intégrer à leurs prières. Je vous ais ramené ça d’Egypte. C’est un jeu, il se joue avec le sourire. Le plateau est de bois de tilleul et de bois d’ébène, c’est un damier de …

Mémoires du confinement

En février, on parlait beaucoup de la maladie en Chine, avec un peu d’humour sur ce système autoritaire assez peu démocratique qui contrôle avec des outils numériques la température des pékins dans la rue. Mythe ou réalité ? En tout cas c’était drôle, et même plutôt étrange.Et puis le messages des médias : pas de contact, éternuer dans son coude. Avec Patrick, le jeudi, on hésite et puis on s’en tape cinq.Puis la mesure du confinement est prise : restez chez vous. Temps ensoleillé, air pur, silence, chant des oiseaux. Isolement aussi, avec des pensées issues de mon mental qui tourne en rond …

La clé oubliée

En rangeant les affaires dans le tiroir du bureau, je découvre cette vieille clé en métal rouillé, longue, large, avec ce cœur en creux dans la partie que l’on tient dans la main.Je la croyais perdue, je l’avais oubliée, et voici que me revient à la mémoire cette petite masure du col de la Croix-Morand qui servait aux bergers et auquel j’avais coutume de me rendre avec Lucie, jouant aux cartes parfois avec des amis, ou bien encore seul pour y lire et y écrire.J’avais dix-neuf ans, j’étais ivre de la vie et de la nature, alors que depuis je …

Je me souviens

Je me souviens d’artifices, d’illusions, de réalités brutales, d’échappées belles, de raccourcis, de la brume un matin d’automne, du soleil éblouissant, de miroirs aux alouettes, de la proie, de l’ombre, des grives et des merles, des étourneaux, du chant de la rivière, de la terre collée à mes bottes, du givre, du feu, des flocons, de dérives, des nuits, des rêves, des travaux, des jours, de la pluie, du ciel gris, du ciel bleu, des alternances, des alternatives, des vérités et des mensonges, de la confusion, d’une infusion, des codes, des confitures, du miel, du pain d’épices, d’un sourire hébété, …

Exposition Mireille Barrelle à l’Hostellerie

– Nous sommes PrésencesNous sommes proches et lointainesNous nous tenons dans le silencePour laisser parler notre cœurDans cet espace d’expositionQue nous souhaitons malgré tout intimeDans la mesure des possibles – Je suis DjiziJe suis dans la chambre aux miroirsJe me prépare à la beauté de mes cheveuxEt de mon sourire – Nous sommes affluenceNous attendons le prochain métroOù nous rejoindrons la fouleDes égarés dans Babylone – Je suis LuiJ’ai apporté de mes pérégrinationsUn peu de mauveAvec lequel j’ai passé les frontières – Je suis ElleBienvenueJ’ai appris ici à rêver avec les nuagesJ’ai mis leur gris autour de moiEt la douceur …