Première cigarette à six heuresCafé clandestinBrosse rasoir et doucheCouloirs et chambresAquarium des infirmièresPetit-déjeuner à neuf heures Et puis dehorsLes herbes follesJe me méfie des narcissesCes petites fleurs mauves ont l’air un peu trop fragilesLe vieux platane, que je salue,Et avec qui je m’enracine. Les serres, les ateliers,Mémoires de mon pèreEt des heures où je repiquais au printempsLes mains dans la terre Allongé sur les racines du LebanonMon regard plongé dans sa couronneJe suis en paix Un couple d’oiseaux forme un nid douilletPétale et plume dans le becJuste au dessus de moiPromesse de jours heureux Et puis cet arbre de l’hostellerie …
Conjuguaisons
Je révisais mes tableaux de conjugaisonLe soleil fit une cabriole par la fenêtreEt dessinait les ombres de la forêt de hêtresIl y avait de lumière toute une cargaison Une brise et dans le pré les marguerites dansentElle sont aériennes et heureusesCe soir la lune est magnifiqueElle va décroissante dans un coin de ciel bleu Par un doux tour de force ils me rendent tous heureuxLes cloches sonnent leur douce répliqueLa terre de joie est la semeuseElle joue avec mes infortunes avec mes chances J’ai plus envie d’apprendre mes conjugaisonsLe passé le présent le futur restent imparfaitsIl eusse fallu que je …
Terre d’Afrique (exposition d’art naïf de Dominique Eustase à l’Hostellerie)
Terre pourpreTerre argileuseUtile aux culturesUtiles aux poteriesGlaiseGlèbeUtile aux glébeuxCes hommes et ces femmes qui vivent de la terreAvec la terreSur la terreEt ces animaux sauvages puissants et prédateursTel ce guépard guetté par le chasseurQui a peint sur son corps les peintures de la chasseCamouflage qui le protègeBouclier-masque pour parer les attaquesLa sagaie verticale à la pointe acéréeLe chasseur le bouclier et la sagaie attendent le moment de l’attaqueMais une étrange fille sorcière aux cheveux bleus et aux bras bleusÉtend son bras droit en zig-zag et en protectionSa mère avec deux autres enfants porte un oiseau bleu sur son épaule gaucheElles …
Il y avait
Il y avait comme cela des histoiresDes histoires d’ADes histoires d’ODes rencontres insolites au détour d’un cheminDes célébrationsDes séparationsIl y avait des éclats de rireEt des éclats de voixDes jérémiades et des engueuladesC’était la vie avec ses détours et contoursEt la solitude aussiAvec ses petits ennuisIl y avait tout un peuple de pélerinsÉgarés à travers la campagneEt qui méditaient sur le calme d’un lacUne feuille qui tombaitUn oiseau qui chantaitC’était le monde dans toutes ses facettesDans toute sa sagesseDans toute sa folieC’était un bisou sur la bouchePour la fraternitéC’était apprendre et désapprendreC’était chanter frapper crier pleurerDanser psalmodier et prierC’était les …
Bic – Autour de l’exposition de Thomas Colin à l’Hostellerie
Avec mon bic je me gratte le coin du sourcil Avec mon bic je siffle dans le capuchon Avec mon bic je mordille le bout du stylo et j’enlève la pastille de couleur Avec mon bic je recoiffe une mèche Avec mon bic je joue à la majorette Avec mon bic j’indique la direction par où fuit mon regard Avec le bouchon de mon bic je tapote ma lèvre inférieure * * * Mon bic est noir et élégant il glisse des mots sur la feuille il me glisse une ou deux idées au passage parfois je lui enlève son …
Exposition Itinéraires Singuliers – Patrick Chatel
Formes suspendues dans le videDéstructurées, cassées, brisées,Réorganisées selon un ordre aléatoireOù parfois réapparaît l’organiqueLe sang, la chair, et aussi l’esprit,Polarisées entre deux cardinalitésEt les espaces entreDisjonctionsDes oiseaux parfoisDes personnages de contesDes petites filles égarées làDes hommes loupDes femmes échassesUn chien qui paradeTout cela traces de déjà vu, déjà entendu, déjà perçu,Auxquelles la raison cherche à se raccrocherMais au delà de cela ce videCes êtres d’écritureDes dessins, des symboles, des lettres, des caractères,Qui écrivent l’énigme au cœur de notre regardAlors je dérive lentement vers des ailleurs inconnus dont je n’ai pas les codesJe me sens étrangement singulierJe me familiariseJe m’écarte, je …
La plus belle histoire
La plus belle histoire, ce n’est pas celle que j’ai vécu. Celle-là a eu ses moments de lumière, mais je me refuse à en détacher une partie pour la glorifier. Et au vu du temps qui passe, des développements, des œuvres inachevées et des œuvres posthumes, je sais bien trop quelle a été la destinée de ces histoires là. Je pourrais bien sûr cultiver la mémoire des moments heureux, mais si je veux être franc les belles histoires de ces liens d’attache ont toujours finies en abandons. Si bien qu’abandonné des autres, j’ai fini par m’abandonner avec détachement dans les …
Quand on est petit on a des choses à dire
D’ailleurs on dit « on » au lieu de dire « je » parce qu’on a pas encore vraiment conscience que ce qui est valable pour soi ne l’est pas nécessairement pour les autres. Bref, on met son grain de sel dans chaque conversation, on voudrait bien que notre avis soit pris en compte, mais bien sûr c’est rarement le cas. Alors quelques fois au lieu de parler on écoute intensément pour glaner des informations et dire quelque chose qui cette fois-ci soit pris en compte. On se dit qu’on a pas du bien comprendre ce dont il s’agissait. Et tellement on écoute que …
Laura,
Je t’écris cette lettre que tu ne liras pas, que je n’enverrai pas, n’ayant pas d’adresse postale. J’écris cette lettre dans le vide, comme c’est dans le vide que j’envoie des sms, des mms. Cette lettre elle-même serait vide, ce n’en serait que mieux. D’ailleurs c’est une exercice de broderie sur du néant. J’ai comme un trou de mémoire, j’ai l’impression que notre histoire n’a jamais existée, et d’ailleurs c’est vrai, elle n’a jamais eu rien de tangible. Bref, du vent tout cela, une petite brise qui joue du pipeau dans mon crâne. Il faut un certain talent d’orateur pour …
La marque dont tout le monde parle
La marque dont tout le monde parle, c’est cette trace de rouge à lèvres sur les joues d’Yves, qui lui a fait ce baiser, qui a donc embrassé ce grand dadet gringalet bedot et timide qui se traîne toujours dans les rues avec son walkman vissé sur les oreilles, avec sa tête trop près du bonnet, avec son air de poireau vinaigrette trop cuit, avec son regard de merlan frit, avec son menton galoche, avec sa chemise boutonnée jusqu’ au dernier bouton qui lui étrangle la glotte, avec son pantalon fait pour pêcher les moules à 800 km de l’océan, …
Le bonheur, un vertige
Je me trouve debout, je domine la vallée, le temps est clair et ensoleillé, je vois les horizons à trente kilomètres devant moi, j’ai envie de voler, je m’élance, je vole, je plane à cinq cents mètres au-dessus du sol, et puis tout à coup un doute existentiel : mais l’homme, un homme tel que je suis, cet être humain là, mais monsieur, cet homme n’a pas d’ailes, il n’est pas outillé, il n’est pas appareillé, et par conséquent il est bel et bien impossible qu’il vole. Alors mon regard rencontre ce point sur le sol, et il se rapproche à …
A ce moment là j’ai su que je n’aurais pas dû…
J’avais rendez-vous à neuf heures pour l’entretien d’embauche à l’agence d’intérim Addeco à Valmy. J’avais calculé l’itinéraire avec Divia City, il me fallait partir à 8h10. Il était 8h05 et je n’étais pas chaussé, je n’avais pas mis ma veste, je n’avais pas préparé le nécessaire tabac-feuilles-filtres, je n’avais pas imprimé mon CV, je n’avais pas rassemblé mes affaires… A ce moment là j’ai su que je n’aurais pas dû trainer pour boire mon café. Je cherchais parmi mes documents mon CV, l’ouvrais et lançais l’impression. Je jetais un dernier coup d’œil et à ce moment là j’ai su que …
La nouvelle bohème
La nouvelle bohème, c’est la bohème d’antan, c’est la bohème de toujours, c’est jouer le jeu avec trois bouts de ficelle et un carton vide, c’est trouver une plume de pigeon et devenir un chef indien, c’est quand il importe peu d’être un gendarme ou un voleur, parce que ce qui compte c’est la bagarre, c’est quand le loup prend tout son temps pour mettre sa culotte, ses chaussettes, son caleçon, son pantalon, son marcel, sa chemise, son nœud papillon, son chapeau melon et ses bottes de cuir avant de sévir dans les plaines devant de petits chaperons rouges effarouchés …
Au creux de ton absence
Au creux de ton absenceJe nourris ta présenceQui m’est plutôt étrangeMais qui ne me dérangeC’est peu dire que j’aimerais ton corps et ta voixA défaut cet espace le silence me renvoieA défaut mon esprit vers toi s’envolePour reprendre tout ce que le temps me voleCela fait longtemps maintenantCombien cela fait-il au justeUn petit peu plus de vingt ansEt cela dans mon cerveau s’incrusteJe me dis quelques fois que c’est juste un voyageQue tu as accompli juste un peu avant l’âgeEt moi-même j’ai le doigt dans l’engrenageAvant juste un peu de remue-ménageJe t’ai cherché dans les bouquinsJe tombais au bout de …